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La Transvesubienne de Remy

Nice // 12 et 13 mai 2018 // par Remy Thelier

Je suis Rémy Thélier. J'ai 18 ans et ce week-end (12 et 13 mai 2018) j'ai fait ma première Transvesubienne la vraie, celle de 80km avec mon Bergamont Fastlane Team. Cela fait maintenant cinq ans que je me bats sur les Coupes de France XCO. L'année dernière, j'ai pris le départ de la Trans50 et ce fut une expérience extraordinaire, fun avec une belle victoire à la clef.

Cette année, j’ai souhaité renouveler l’expérience mais cette fois sur le grand parcours, avec mon nouveau team NCA Bergamont Levens VTT. Ce fut un week-end où je me suis noyé dans l’ignorance tel un écolier en CP sur son premier jour d’école ; perdu ne voyant qu’un grand trou noir devant lui, celui de l’inconnu, suscitant la peur. C’était « ma première fois » : ne sachant pas comment m’y prendre, comment appréhender l’événement et à quoi m’attendre.

Le 11 mai, 19H00, je me fais happer par l’événement. J’avais enfin en main mon numéro, ma plaque que j’attendais depuis 6 mois : le 348. Le lendemain, 14H00, j’étais au départ du prologue sous une pluie torrentielle, décidé à faire un temps me permettant de partir le dimanche matin en première ligne. Je suis parti river sur mon objectif… qui fut atteint. YES !

Durant tout la nuit de samedi à dimanche, mon esprit sombra dans un trou noir. Il se rattachait à des chiffres bien bêtes : 75 km / 2500 de dénivelé positif / 4000 de négatif, à des noms sans signification : la madone d’Utelle / Levens / la Colmiane, à des athlètes que j’idéalisais : Chenevier / Looser / Sauser.

Mais un mot venait relier toutes ces notions : « l’abattoir ». C’est comme ça qu’un ami m’a parlé de cette fameuse Transvésubienne et ce mot m’a hanté toute la nuit. Pour autant, quelle valeur avait-il ? Que qualifiait-il réellement ? Sur le départ à 7H00, insouciant, inconscient avec ma petite maison sur le dos : des litres d’eau, des barres à n’en plus finir, à l’image des grands explorateurs.

J’ai pris le départ. 6h30 plus tard, je suis arrivé au bord de la mer sur la promenade des anglais avec une belle 9ème place au scratch à la clef et une victoire en Espoir : je ne pouvais pas rêver mieux !

Photos INOV PHOTOS pour UCC Sport Event

Il ne serait pas juste de ne pas vous expliquer ce qui a bien pu se passer entre le début et la fini, de ne pas expliquer ce qui s’est passé entre 7h et 13h30. Il me semble et j’en suis même persuadé que pour comprendre il n’y a qu’un moyen : c’est expérimenter. C’est une course où des centaines de questions m’ont traversé l’esprit : que fais-je ici ? Me suis-je assez alimenté ? …

Après 40 minutes de course, j’ai vu au loin les premiers portages ! Premier pied au sol, mon mollet s’est crispé, mon tendon d’Achille a perdu toute sa mobilité et mes appuis sont devenus instables sous les pierres humides et les névés de neige. Mon regard s’est rapidement perdu dans un océan de brouillard.

La première descente arrive. Je l’ai entamée avec une joie intense et un sentiment de délivrance m’a envahi. Mais ce sentiment est reparti aussi vite qu’il était arrivé. Le cintre bien serré entre mes deux mains, j’ai avalé les premières marches avec lucidité. Mais j’ai vite compris que les montées, tout comme les descentes, deviendraient mes bêtes noires. Des marches à n’en plus finir ont réduit mes bras à deux vulgaires bouts de bois. Accroché à ma vie, à mon vélo, je serrais de toutes mes forces ma monture. Les avant-bras en feu, j’étais obligé de tenir mes freins à deux doigts. Tout mon corps ne faisait plus que suivre le relief du terrain. C’est là que j’ai pris réellement conscience que la nature aurait toujours le dernier mot.

20 kilomètres se sont passés et je ne roulais déjà plus qu’au mental. Une quarantaine de kilomètres ont défilé à ne plus sentir mon corps. Ces quarante kilomètres n’ont été que le long couloir de la défaillance. Mes pas lors des portages se firent de plus en plus hésitants, mon pédalage s’est saccadé, mon champ de vision s’est réduit, ma réflexion perdait en vivacité. Quand je pensais avoir fait le plus dur, me voyant entrer dans les 20 derniers kilomètres, je suis devenu un vulgaire automate.

Mon corps me faisait affreusement mal lorsqu’il fallait hisser le vélo sur mon dos ; c’est tout mon corps que je devais mobiliser. Mes jambes tremblaient, mes lombaires brûlaient et devenaient pierre ; chaque pas était d’affreux exploits. J’avançais parce que le mot abandon, je ne l’avais jamais connu et ce n’est pas maintenant que je voulais apprendre à le connaître. Je ne pensais qu’à une chose : arriver !!! Enfin… si j’en avais encore la force.

Je devenais un vulgaire débris sur mon vélo, sans tenu. Nerveusement, psychiquement, j’étais à bout. Des larmes de désespoir, de douleur ruisselaient sur mes joues, sur mon visage blanc et inerte. Mes cris de désespoir se heurtaient au roc jonchant les sentiers, ils se heurtaient et résonnaient sur les parois de pierre. Le pire, c’est que j’étais seul… seul sur mon vélo. J’avais beau crier, j’étais seul avec ma douleur.

Seul à me ronger les lèvres à bout de force, seul sur ces sentiers impraticables. J’étais le seul à pouvoir comprendre ce qui m’arrivait et à en mesurer l’ampleur. Je priais d’arriver en bas à chaque descente, toujours entier sur mon vélo. Imaginez un pantin désarticulé, la tête pendante, agrippé à son vélo, n’ayant plus la force d’extérioriser sa douleur.

Puis, j’ai enfin débouché sur le fameux « Paillon » (le cours d’eau qui entre dans Nice). Je m’engluais dans les galets et les pierres de la rivière, chaque pierre était une montagne à gravir. Je zigzaguais, plus du tout lucide. Je me laissais guider par le relief. J’ai perdu toute humanité, j’étais absent, ailleurs… mais nul part. Puis enfin, je suis rentré dans ce tunnel d’un noir profond qui signalait la fin de cette course infernale. Je ne pensais qu’à en sortir : « mais qu’il est long ce PUTAIN de tunnel. Tu ne vois pas là, que j’en peux plus : STOPPPPPP»… Un sentiment d’injustice, de dégout, de désespoir m’a envahi. Et enfin… j’ai vu la lumière du jour. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai essuyé mes larmes de douleur. Je suis sorti de l’eau et j’ai fait comme si rien ne se s’était passé. J’ai levé les mains en l’air.

J’ai dit merci, merci à mon corps qui m’a permis de finir, merci au staff, merci au vélo, avant de m’écrouler par terre, la tête pendante. « A quoi bon tout cela… ?... ». Il est dit que dans cette course, on passe par tous les états. Il me semble que ce soit vrai. Pour autant, il n’y en a qu’un qui m’a marqué et qui a laissé sa trace : douleur et désespoir. Aujourd’hui, ça fait cinq jours que c’est fini.

Cinq jours où je vis avec lenteur, où je prends soin de qui je suis, cinq jours où à chaque fois que je raconte cette course une vague émotionnelle m’envahit. J’en pleure mais ne sais pas vraiment pourquoi ? Cette course est plus qu’une simple course ; c’est une leçon de vie qui invite à l’introspection…

Vous pouvez suivre Rémy Thélier sur ses comptes Facebook et Instagram.

 

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